Le titre interpelle à dessein, mais il cache surtout deux sujets qui semblent de plus en plus récurrents voir clivants dans le monde professionnel : le rétrécissement des esprits et des compétences.
Il fût un temps où la marge de tolérance dans le domaine des affaires était très – trop - large et une forme de laxisme généralisé existait dans le paysage professionnel. Les règles orales étaient légions, l’application des principes un peu aléatoire alors que la confiance et l’esprit « clanique » étaient de règle.
Il ne s’agit ni de dénigrer ces temps-là ni de vouloir revenir en arrière, mais bien de savoir comment ces pratiques ont évolué. Est-ce pour un mieux ou un pire ? Les deux en fait…
Il paraît aujourd’hui impensable de laisser certaines « compétences financières » ou « largesses exécutives des affaires » à n’importe qui dans l’entreprise, mais le balancier n’est-il pas allé trop dans l’autre sens ?
C’est là que le principe dit « de l’entonnoir » intervient. Comme vieux chef de projet, j’avais appris à débuter un projet, une action par des généralités pour arriver au particulier en passant par des étapes ; de partir des grands ensembles pour terminer avec les détails. Dit autrement, il y avait une structure de conduite et d’approche des projets qui semblait immuable. Ceci était également pratiqué au niveau des compétences décisionnelles.
Cela semble être du passé tout au moins dans les entreprises du secteur tertiaire : on passe allégrement de la vision à l’exécution, de l’approche tactique à un détail technique sans intérêt, d’une décision unilatérale à une décision participative sous prétexte d’être « mobile et flexible ». Soit : contribuons à la modernité ! Est-ce plus efficace et efficient pour autant ? Les quelques exemples que j’ai en tête semblent plutôt montrer une forme de « chaos » ou de « flou artistique » dont les résultats ne sont pas tous probants…
Structurer un projet, aller de l’essentiel au détail, avoir une gouvernance claire et précise ne sont pas des chicanes mais souvent des aides précieuses, même pour les jeunes générations qui ont besoin de modèles, quitte à ce qu’elles les remettent en question.
Passons à la « largeur du corridor ». La gouvernance issue et/ou soutenue par des règles de plus en plus strictes et rigides fait perdre la notion de l’ensemble ou du tout : On « saucissonne » afin de répartir les compétences, on délègue pour pousser le risque chez les autres, on divise les flux pour s’assurer que personne ne peut exécuter efficacement de bout en bout une action au nom de la « gestion des risques » et du « compliance ». Il faudrait au contraire maintenir le « corridor » de manière proportionnée afin de pouvoir évoluer à l’intérieur sans avoir à modifier les règles à chaque petit changement de cap.
A nouveau, il ne s’agit pas de prendre des risques incalculables ni de ne pas se conformer à la loi ou aux règles : cela consiste simplement à offrir un « corridor d’activités » assez large pour être efficient au niveau de l’entreprise et surtout d’avoir une approche positive du travail en pratiquant ce que les anglo-saxons appellent le « job enlargement ».
En conclusion, il ne s’agit pas de décrier la manière actuelle de travailler mais de dénoncer les extrêmes vers lesquelles nous nous acheminons de plus en plus également dans le monde du travail.
Le principe du « 80/20 » prôné dans la plupart des écoles de management est de moins en moins appliqué dans la pratique. Alors que tout le monde parle d’un monde « fluide », les dogmes prennent le dessus sur le plan professionnel avec une approche très « binaire »
Est-ce vraiment cela que nous voulons laisser aux futures générations ? Nous sommes convaincus que non et que les entreprises sauront trouver la bonne largeur de corridor et le bon système d’entonnoir…
Belle semaine, bonnes réflexions et bonne lecture.