Faire du bruit pour faire du bruit, agir dans la précipitation, surfer sur les thèmes « porteurs » sans les approfondir devient une tendance générale. Sont-ce les réponses adéquates aux défis actuels ? Des doutes sont permis à l’aune de certains constats…
Vouloir mettre en avant une certaine lenteur et un temps de réflexion génère automatiquement des critiques ou des sarcasmes des partenaires, des concurrents, voire de pays limitrophes. Pour beaucoup, prendre du temps - être très « suisse » en quelque sorte - c’est être lent et ennuyeux. Est-ce vraiment une tare ?
Dans la plupart des grands projets ou des initiatives importantes, les décideurs aspirent à des résultats dans les plus brefs délais. Pousser l’organisation dans ses limites ou hors de sa zone de confort présente de nombreux avantages. Néanmoins, le sens de l’urgence ne doit pas être confondu avec la précipitation.
Après l’excitation des effets d’annonce, arrive le temps du réalisme et du pragmatisme. C’est là que les capacités managériales et le sens tactique sont décisifs pour le succès d’un projet ou d’une initiative. Le manager doit savoir gérer la pression des dirigeants tout en définissant un rythme supportable pour ses équipes chargées de la réalisation.
La maxime « mieux vaut une décision partiellement fausse de suite, qu’une bonne trop tard » conserve, dans bien des cas, une grande pertinence. A l’inverse, il faut savoir parfois attendre, freiner voire reporter des décisions et des exécutions malgré les pressions. Combien de projets ont été malmenés ou ont généré de mauvais résultats car la confusion entre l’action et la précipitation a été trop présente ?
Les grandes entreprises sont à cet égard de grands producteurs d’occasions manquées, de projets avortés, d’initiatives inefficientes. La chance pour la plupart d’entre elles vient du fait que l’économie est tournée vers l’avant, beaucoup plus que vers l’introspection : le risque est finalement assez limité pour les initiateurs de « mauvaises idées ».
On peut arguer que les grands groupes ont pour « mandat » de tester, de lancer des pistes, de créer des plateformes dont on peut imaginer qu’elles ne seront pas toutes positives : cela tombe sous le coup (le coût ?) des « risques opérationnels » et du rôle de précurseur.
L’expérience montre néanmoins qu’avec un peu de recul, avec la prise en compte d’éléments endogènes et exogènes supplémentaires, on arrive à réduire les risques et augmenter le potentiel de réussite d’un projet. Il est néanmoins vrai que cette approche n’a rien de sensationnel ou de flamboyant. Dans un monde de plus en plus basé sur le court terme et l’image, cela n’est guère porteur…
Conceptualiser un projet, étudier les alternatives, questionner les experts, imaginer des alternatives et les risques demande du temps et fait appel à d’autres compétences. C’est ce « temps long » que beaucoup d’observateurs considèrent comme de la lenteur : si c’est le prix à payer pour qu’une solution soit pérenne et efficiente, passer pour un « lent » ne constitue qu’un épiphénomène.
Cette approche n’est naturellement pas toujours opportune et le « quick and dirty » constitue parfois la meilleure solution. C’est à nouveau là que les compétences managériales, l’expérience et le flair font la différence, permettant finalement de définir le meilleur rythme pour changer, pour opérer.
Contrairement à ce que beaucoup d’hyperactifs – ou excités actuels - peuvent penser, être lent ne signifie aucunement procrastiner, tergiverser ou être faible : c’est prendre la mesure du temps et d’en faire un facteur positif dans un projet.
C’est donc avec lenteur, détermination et un peu d’ironie, que je vous souhaite une semaine tranquille, de patientes réflexions et vous dis à bientôt.