Le principe du 80-20 est-il encore applicable ?

La complexité croissante du monde contemporain et l’imprévisibilité des environnements économiques constituent aujourd’hui des sources majeures de pression pour les entreprises. Dans un tel contexte, l’absence d’anticipation, même partielle, des événements susceptibles d’affecter l’activité – qu’ils soient favorables ou défavorables – peut fragiliser durablement la pérennité organisationnelle.

La théorie dite du « 80/20 » (ou principe de Pareto), longtemps considérée comme un outil d’optimisation permettant un équilibre entre efforts, investissements et résultats, tend à perdre de sa pertinence. Les organisations semblent désormais contraintes de fournir des efforts excédant largement leurs retombées, dans un rapport qui pourrait s’apparenter à « 120 % d’effort pour 80 % de bénéfices ». Dans cette configuration, le retour sur investissement se révèle incertain, sauf pour certains produits de niche à forte valeur symbolique ou émotionnelle.

Facteurs de mutation Plusieurs éléments structurels et contextuels expliquent cette évolution ou doivent être pris en compte :

• Complexification des produits : l’accroissement des attentes des consommateurs contraint les entreprises à intensifier leurs efforts en recherche et développement. Un retour à la simplicité paraît improbable, bien que certaines tendances générationnelles pourraient favoriser une redécouverte des fondamentaux.

• Réduction des cycles de vie : la sophistication des biens et services entraîne une obsolescence accélérée, souvent en contradiction avec les engagements en matière de durabilité. La logique de volume prévaut ainsi sur celle de pérennité.

• Concurrence mondialisée : la facilité d’accès aux marchés internationaux fragilise les productions locales, appelant une différenciation fondée sur une qualité exceptionnelle, mais nécessairement coûteuse.

• Cadre réglementaire : la multiplication des normes, lois et obligations alourdit les processus de mise sur le marché et engendre des coûts substantiels. Une simplification réglementaire, bien que souhaitable, demeure improbable.

• Judiciarisation des relations commerciales : la gestion de l’insatisfaction client ne relève plus seulement de la relation de service, mais mobilise désormais d’importantes ressources juridiques, ce qui accroît les risques et les coûts.

• Complexité organisationnelle : la superposition des niveaux hiérarchiques et des dispositifs de contrôle internes engendre une perte de lisibilité et d’efficacité. Une rationalisation des structures reste envisageable, mais se heurte souvent à des logiques d’intérêts particuliers.

• Méconnaissance des coûts réels : les acteurs opérationnels ignorent fréquemment l’ampleur des dépenses liées à certaines activités internes dépourvues de valeur ajoutée, ce qui conduit à des gaspillages récurrents.

• Formation et compétences : l’accent mis sur la sophistication académique et théorique tend à éloigner des approches pragmatiques. Le renforcement des formations de base, notamment pour les fonctions opérationnelles, pourrait contribuer à réduire les coûts et améliorer l’efficacité.

• Externalisation raisonnée : la focalisation sur le cœur d’activité, accompagnée d’une délégation ciblée à des prestataires spécialisés, apparaît comme une stratégie pertinente. Il s’agit non pas d’abandonner la maîtrise, mais de privilégier l’art de « faire faire » afin de se recentrer sur l’essentiel.

Perspectives Si certains de ces points et pistes relèvent de l’évidence, ils demeurent trop rarement intégrés de manière systématique. C’est pourtant dans la capacité à simplifier, déléguer et recentrer que se jouent, en définitive, les marges de différenciation et la solidité économique des organisations.

Bonne lecture et à bientôt

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